Le 29 juin 2023, les habitants de Bougainville ont franchi une étape historique dans la recherche des personnes disparues à la suite du conflit qui a touché la région de 1988 à 1998.
Le 29 juin 2023, les habitants de Bougainville ont franchi une étape historique dans la recherche des personnes disparues à la suite du conflit qui a touché la région de 1988 à 1998. Le gouvernement autonome de Bougainville a inauguré ce jour-là le Bureau pour les personnes disparues de Bougainville, reconnaissant ainsi officiellement les quelque 2000 disparitions et les besoins des familles.
La création de ce bureau est un exemple de réussite découlant d’un partenariat qui a établi un précédent pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et son Agence centrale de recherches (ACR) en fournissant un soutien technique et aidant les autorités locales à renforcer leurs capacités.
Tout juste un an après que le gouvernement a sollicité l’aide du CICR dans la mise en place de cette structure, il a déjà nommé le personnel clé et noué des partenariats avec des prestataires de services locaux. De plus, le gouvernement a mis à disposition un local et un budget de 500 000 kinas pour 2023, et a affirmé publiquement sa détermination à élucider le sort des personnes disparues pendant le conflit.
Une nouvelle approche du soutien
Bougainville devrait obtenir son indépendance d’ici 2027 et la question des disparitions est considérée comme essentielle pour instaurer la cohésion sociale avant son indépendance effective. Il y a une forte volonté politique en ce sens. En effet, des hauts représentants des autorités, des chefs communautaires et religieux, des familles touchées et de nombreux citoyens s’accordent à dire que ce problème continue de nuire au bien-être et à l’harmonie au sein de la communauté.
Theonila Roka-Matbob, députée de la circonscription d’Ioro à la Chambre des représentants de Bougainville, explique : « Il y a tant de personnes à Bougainville qui ont besoin de tourner la page et de soigner leur douleur. La mise en place du Bureau pour les personnes disparues à Bougainville, avec le soutien du CICR, est cruciale pour y parvenir. Si des milliers de personnes sont portées disparues à Bougainville, quel que soit leur parti pris face à la crise, imaginez le nombre de personnes et de familles touchées. L’impact des disparitions sur les familles n’est pas un problème propre à Bougainville ; on recense aussi des familles touchées en Papouasie-Nouvelle-Guinée. »
La première fois que le gouvernement autonome de Bougainville a sollicité le soutien du CICR – lui demandant d’intervenir en tant que conseiller technique et intermédiaire impartial dans la résolution des cas de disparitions –, ce dernier venait de réduire sa présence dans l’archipel pour réorienter ses priorités opérationnelles dans la région vers d’autres pays ayant des besoins plus urgents. L’ACR a donc convenu d’apporter son soutien au projet, mais a maintenu une présence discrète, en travaillant avec des réseaux locaux et contribuant au renforcement des capacités locales de manière ponctuelle.
La mission du CICR à Port Moresby, son bureau à Buka et le Centre de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour les personnes disparues ont collaboré étroitement avec les autorités de Bougainville pour mettre en place ce Bureau et définir ses fonctions et ses activités. Son succès dépendait de l’instauration d’un équilibre délicat entre l’application des bonnes pratiques et normes scientifiques internationales et le respect des coutumes locales.
L’ACR a commencé à s’impliquer en mars 2022, lors d’une évaluation socioanthropologique menée par une équipe pluridisciplinaire d’experts du CICR et de l’ACR. Cette étude a permis de garantir l’adaptation culturelle et une meilleure compréhension des positions, souhaits et volontés des autorités, des familles touchées et des communautés. Le projet visait à rétablir un sentiment de bel isi, de l’anglais belly is easy, soit un sentiment de paix.
Le partenariat avec le gouvernement de Bougainville dans la création du Bureau pour les personnes disparues constitue un bon exemple d’une solution qui tire parti du soutien technique du CICR tout en réunissant les partenaires locaux et en tenant compte du point de vue des communautés. Cette solution collaborative a permis à Bougainville de traiter la question des disparitions au sein de sa communauté tout en respectant les coutumes locales et en garantissant que les familles soutiendraient l’action du Bureau nouvellement ouvert.
« Le partenariat avec les autorités de Bougainville et la mise en place d’un comité pour les personnes disparues constitué de réseaux locaux et de familles touchées ont été essentiels à la création du Bureau », explique Jill Stockwell, responsable du soutien structurel au sein de l’ACR. « Les familles des personnes disparues connaissent le mieux leurs besoins et savent ce qui devrait être inclus dans le programme de cette structure. Je fonde beaucoup d’espoir dans la capacité du Bureau à rétablir un sentiment de paix au sein de la communauté de Bougainville. »
Au cours des mois à venir, l’ACR collaborera avec la Croix-Rouge australienne pour dispenser des formations à la Croix-Rouge de Papouasie-Nouvelle-Guinée, à laquelle le Bureau pour les personnes disparues a confié la collecte des demandes de recherches à travers la région de Bougainville. Le travail commencera début 2024 en vue d’élucider le sort des personnes disparues. L’ACR continuera également d’aider le Bureau à renforcer ses capacités en matière de recherche et à améliorer ses procédures de gestion des données et de l’information. Elle soutiendra également une ONG locale pour fournir des services de santé mentale et un soutien psychosocial aux familles de personnes disparues. Ceci garantira la continuité du programme après sa fin officielle à la mi-2024.