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Poursuivre ses rêves malgré la guerre : soutien aux enfants dans le nord-est du Nigéria

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Lorsqu’une personne disparaît par suite d’un conflit, les enfants qu’elle laisse derrière elle sont souvent les plus durement touchés par cette perte. Nous avons donc mis en place un programme en faveur des enfants de Maiduguri, afin de veiller à ce que leurs besoins soient pris en charge.

22 Apr 2024
Nigeria,
Africa

Lorsqu'une personne disparaît par suite d'un conflit, les enfants qu'elle laisse derrière elle sont souvent les plus durement touchés par cette perte. Nous avons donc mis en place un programme en faveur des enfants de Maiduguri, afin de veiller à ce que leurs besoins soient pris en charge.

Il n'est pas rare que des personnes disparaissent dans le chaos des conflits armés. Leurs familles se retrouvent alors plongées dans l'incertitude, cette disparition laissant un vide que rien ne semble pouvoir combler.

Le conflit armé qui sévit dans le nord-est du Nigéria depuis plus d'une décennie a forcé de nombreuses personnes à fuir leur foyer en quête de sécurité. C'est notamment le cas à Bama, une ville de l'État de Borno située à mi-chemin entre Maiduguri et la frontière camerounaise. Parmi les familles touchées, celle de Hadiza Muhammad, âgée de 15 ans : son père a disparu il y a dix ans. Ses proches ne l'ont jamais revu depuis.

Hadiza nous raconte : « Dans le cadre du programme, j'ai appris à organiser ma journée et à prendre des notes. J'aimerais m'inscrire à l'école secondaire pour pouvoir étudier le droit et devenir avocate – je pourrai alors aider la population et ma famille. » Elle ajoute : « Avant, nous pensions beaucoup à nos parents disparus et nous restions dans notre coin, mais maintenant, nous apprenons petit à petit à nous mêler aux autres. »

Au Nigéria, les équipes du CICR chargées de la santé mentale et du soutien psychosocial mènent un programme visant à guider, soutenir et accompagner les enfants de personnes disparues. L'un des conseillers formés par le CICR pour animer ces séances, Muhammad Adam Muhammad, a lui-même perdu un être cher à cause du conflit. Il sait donc bien ce qu'on peut ressentir dans une telle situation.

Pendant la durée du programme, Muhammad a rassemblé chaque semaine 51 enfants et jeunes, tous accablés par le poids de la disparition d'un proche, et leur a apporté un soutien psychologique.

« Nous, les conseillers, expliquons aux enfants qu'il est important de ne pas rester inactifs et de continuer d'aller à l'école », indique Muhammad. « J'anime une séance par semaine pour eux... J'évalue leurs progrès à 90%, ce qui est très encourageant. »

Les conseillers utilisent un livre spécialement adapté par le CICR à partir d'une version conçue par la Croix-Rouge suédoise (Mon livre à moi). Il propose des activités qui encouragent les enfants à réfléchir et à croire en eux-mêmes et en leurs projets d'avenir.

Les sept conseillers communautaires qui animent les séances ont été formés par l'équipe Santé mentale et soutien psychosocial du CICR et bénéficient d'un encadrement continu. Les séances sont devenues pour les participants une bouée de sauvetage, un sanctuaire où ils peuvent partager leur chagrin, leurs peurs et leurs rêves.

Lors d'une séance, les conseillers ont eu la preuve de l'incroyable pouvoir transformateur de l'éducation grâce à une jeune participante, Fatima Muhammad Aji. Celle-ci, sans être jamais entrée dans une salle de classe, a contre toute attente appris à lire et à parler l'anglais avec l'aide de sa sœur aînée.

« Je veux devenir médecin pour aider les malades à aller mieux », nous dit Fatima, qui a écrit une lettre lors de la séance du jour. « Nous avons beaucoup appris pendant les leçons qu'on nous a données. J'ai écrit mon nom, celui de ma ville, celui des personnes qui m'aiment et qui m'aident, les moments où je dois travailler et ceux où je peux jouer. »

Fatima ne manque pas de rêves et de potentiel, ce qui incite son conseiller Muhammad à encourager ses parents à l'inscrire à l'école – une étape essentielle vers la réalisation de ses aspirations.

Une autre participante, Khadija Muhammad, témoigne : « Je me souviens d'avoir appris ce qu'est l'"arbre de la vie". Nous avons dessiné ceux qui nous aident dans la vie, c'est-à-dire dans mon cas mon grand frère, mon grand-père et mes tantes. Nous avons aussi écrit des lettres à notre moi du futur – pour lui dire qu'il faut aller à l'école et bien étudier. Quand je serai grande, j'aimerais construire une maison et un hôpital, devenir médecin pour aider les autres et ma famille ».

Certains participants étaient déjà scolarisés et se réjouissent de poursuivre leur éducation. C'est le cas d'Aboubakar Muhammad, 14 ans, qui a passé ses examens et attend d'être admis dans une école secondaire.

Les conseillers encouragent les enfants à parler avec les membres restants de leur famille pour en apprendre davantage sur leur propre vie. Aboubakar raconte pendant l'une des séances : « J'ai appris d'où je viens et dans quelle ville nous vivons actuellement. J'ai dessiné ma mère, car c'est la seule personne qui s'occupe de moi depuis que mon père a disparu. J'espère qu'il reviendra un jour. Je rêve de devenir médecin pour aider les gens et acheter une voiture, et grâce à l'école, je sais que j'y arriverai. »

Beaucoup de ces jeunes ont été traumatisés par la perte de leur mère, de leur père ou d'un tuteur. Ils souffrent de stress et d'anxiété et voient leur vie quotidienne bouleversée : certains ne peuvent ou ne veulent plus aller à l'école ou jouer avec leurs camarades. Parfois, le simple fait de voir d'autres enfants s'épanouir dans la chaleur de l'amour parental exacerbe leur douleur. Mais au fil des séances, les blessures invisibles commencent à cicatriser – et la joie retrouve petit à petit sa place dans leur cœur.

Le programme mené à Maiduguri est devenu non seulement une sorte de refuge pour les familles de personnes disparues, mais aussi un symbole d'espoir qui ouvre à chaque enfant participant la voie vers un avenir meilleur.

À la fin de la dernière série de séances de soutien communautaire, en décembre 2023, plus de 330 enfants avaient participé au programme.

Le CICR continue de déployer ce type d'activités en partenariat avec les communautés, à Maiduguri comme ailleurs dans le monde.

Si nous nous efforçons de protéger les enfants, c'est parce qu'ils sont notre avenir et que leurs besoins ne doivent pas être ignorés, en particulier en période de conflit.